mercredi 24 mars 2010

Oui, mais pourquoi?

Quand j'étais petite, j'ai découvert que la politique, au Québec, c'est une affaire de coeur. Y'avait comme une odeur de référendum qui flottait sur le pays. On était tous touchés par la question, y'avait une tension même chez les élèves du primaire. J'étais en 4e année. Pis en 4e année au Québec, on apprend tout sur les amérindiens qui ont marqués l'histoire du Canada, puis, du Québec. C'était vraiment intense. Cette année là je me suis assurée des années de succès et de facilités des matières que j'allais voir au secondaire. On était en plein dedans. Toute l'année. Avec l'histoire de l'arrivée de l'homme blanc, j'ai compris ce que c'était, un pays. Ce que ça peut représenter, pour un peuple. Que c'était pas découpé en frontières comme ça, juste pour être joli sur le gros globe avec toutes ces couleurs. Que c'est une identité collective et qu'on ne peut y échapper à moins que vraiment chaque personne sur terre soit d'accord pour s'unifier et respecter les mêmes lois à la lettre, sans exception. On en est encore loin, et la distance à parcourir augmente au fur et à mesure que l'on se propulse dans la direction opposée. Bon, c'était surement pas opiné dans ces mots, mais en gros, c'était à peu près ça la tension. On comprenait, si jeunes, l'ampleur de la situation.

Dans chaque famille, quand venait l'heure du souper, on discutait du possible référendum. Les uns étaient pour, l'autre pas certain... Puis dans ma famille, chaque soir, même finale. Ma mère me disait de ne pas parler politique avec mes amis. De ne jamais dire de quel côté j'étais. De quel côté elle était plutôt. Elle, elle allait voter NON. Pour une obscure raison d'ailleurs. Dans la famille qu'est la mienne, famille bleu jusqu'à l'âme, elle, elle l'aimait son Canada. J'ai toujours soupçonné de douteuses histoires de jeunesse, d'aventures hippies bâclées. Une petite coche dans les convictions familiales. Ou alors simplement pour contredire tout le monde. C'est ma mère après tout! Elle qui était la seule de la famille à ne pas regarder le Canadien. Elle aimait Chicago. Avec la tête d'Indien sur le chandail. Ça, j'avais le droit d'en parler, mais j'en parlais pas. Je trouvais ça assez honteux comme ça. Mais la politique, je comprenais pas. Pourquoi elle aimait pas le Québec? Parce que le Canadien est une équipe au Québec? Je trouvais ça un peu bizarre.

Un jour, considérant le corps enseignant comme une référence fiable et possédant toutes les réponses du monde, j'ai demandé à mon prof quel serait son choix. On en parlait jamais non plus dans notre classe. Je croyais que les gens voulaient éviter les conflits au travail à cause de ça. Tabou. Elle n'a pas voulu me répondre et m'a donné des arguments sur les deux camps. Arguments que j'avais entendu si souvent à la télévision, ou dans ma famille, entre ma mère et les autres. C'était eux les meilleurs. En rentrant chez moi au souper,j'en ai parlé à ma mère. Elle m'a dit que ma maitresse voterait non. Parce que quand tu votes non, tu le dis pas. C'était comme une maladie dégueulasse, voter non. Depuis ce jour, j'ai jamais compris pourquoi alors il y en avait qui le faisaient.

Les gens étaient, dans la vraie vie, à l'image de ce qu'on voyait à la télé. Dans les manifestations et les émeutes. Les oui, Québécois passionnés, se laissaient aller dans le flot bleu des émotions, fiers de réclamer leur pays. Les non eux, le taisaient. C'était comme une honte, une parjure... Une traitrise. Mais pour eux, je crois qu'au fond c'était peut-être juste mal assumé. Il y avait des graffitis partout. Personne parlait, mais on s'exprimait. Des pancartes, immenses et bleues, des toutes petites, rouges et blanches, avec de l'écriture noire. Elles étaient presque sévères celles-là. Les gens voulaient se démarquer. Sur les gros blocs de béton tout près de l'école, des gens avaient écrit "oui", à l'aérosol rouge sur chacun d'entre eux sauf un. Un "non", en vert très foncé sur l'avant dernier.

On connait tous l'issue du référendum. On sait tous qu'on a pas réellement perdu, mais on a pas gagné non plus. J'ai hâte que ma génération aie le même choix à faire. J'ai confiance. Quand j'ai vu ma mère se saouler la gueule pour la première fois de ma vie, les larmes aux yeux a l'annonce de sa "victoire"; quand j'ai compris qu'il y avait peut-être des raisons pour son "non" mais qu'au fond, elle y croyais en son pays. Maintenant elle fête la St-Jean, elle aime les Canadiens autant que ses têtes d'Indiens. Aujourd'hui, si on retourne dans ce parc, tout au bout, ou commence la rue et qu'on regarde les blocs de bétons blancs-gris, on voit que sur le premier, y'a encore un gros oui rouge avec un crochet à côté. Parait qu'il y a même des légendes urbaines qui circulent à l'école entres les élèves, à propos de la provenance de ce oui. C'est peut-être eux qui repasseront par dessus un jour avec de la peinture bleue, pour marquer l'indépendance. Parce qu'au fond, c'était peut-être, sans parole, un second "à la prochaine fois..."

lundi 22 mars 2010

Le hasard

Dans le monde scientifique, le hasard est source de bien des choses. Grande majorité des scientifiques y ont recours pour expliquer l'inexplicable. Chez les croyants, le hasard n'existe pas. Tout arrive pour une raison bien précise, dans un but tout aussi précis. Comme si l'histoire était déjà écrite, sans qu'on puisse rien y changer. La fatalité, quoi. Issue d'une éducation très scientifique, mais aussi très croyante, je ne sais pas ou je me situe. Je crois en bien des choses qui sont pour la science inexplicables et la science vient contredire beaucoup d'entre elles. Pourtant j'y crois encore. Et pourtant aussi, pour la même raison, je refuse de croire en bien des choses. Qu'en est-il du hasard?
Francis Cabrel a dit: Ce qui ressemble au hasard souvent, est un rendez-vous.
Il a peut-être raison.