mercredi 25 février 2009

2:28

Tu es mort.

Sur des images modernes d'autrefois
Une mise en scène parfaite
Dernière coupure du montage
J'te garde pas dans mon casting

Quand le second rôle veut le premier
Le figurant qui réécrit le script...
C'est pas moi tout ça
Tu as fait un film avec ma vie.

Mais ma vie, c'est une boîte de photos
Des images fixes sans paroles.
Une trame sonore en souvenir
Un secret impossible à deviner

Tu es mort et tu ne revivras pas
Je te regarderai comme si...
Comme si tu n'étais qu'un souvenir
Un beau souvenir. Lointain.

Mais tu es mort.
ce soir, dans mes espoirs et mes doutes,
Dans mon regard et mes rires
Tu es mort.

Tu iras vivre ailleurs
Tu as toujours vécu ailleurs.
Je n'ai jamais vraiment su où.
Avant d'en mourir, je t'ai tué.

Fin.

vendredi 6 février 2009

Il y a longtemps de cela, aujourd'hui même...

Il est une fois, un homme qui déteste le rythme de vie de notre époque. Il décide de remonter sa montre jusqu’en 1984 et d’y vivre à jamais. Devant l’improbabilité du résultat, il détruit sa toquante et fixe ainsi le temps de sa vie. Il vieillit au même titre que les autres; il est conscient du décalage actualité/technologie dans lequel il s’enlise, mais la perspective l’enchante, sommes toutes. Il se crée un espace-temps façon 1984, agrémenté de l’usage réduit au minimum des technologies obligatoires inhérentes à la réalité : un ordinateur pour écrire et pour le quotidien social. En revanche, aucune télé hors des visionnements de vieux films et de vieux dessins-animés, soit Mini-Fée, Astro le robot, les Moumins et autres infantilités de haute qualité! Nonobstant, les passe-temps du rêveur tergiversent du côté des arts, en général.

Il écoute des compilations cassettes des vieux hits qu’on passe à la radio dans sa vieille Chevrolet farouche. Tout ce qui pourrait remplacer sa bagnole américaine serait sans doute une Westphalia brune-orange et blanche. Où quelconque véhicule Volkswagen-esque dans lequel peut camper l’hybride hippie/soft grunge finit au vieux rock québécois. Il se retranche souvent dans son monde à lui, et filtre tout ce qui s’approche trop près. Mais il arrive que le filtre flanche (du stock de 84, allez savoir) et il laisse entrer une chanson toute neuve, un nouveau morceau déjà catalogué classique au hit-parade. Souvent pour des raisons plus absurdes que pour la qualité de la pièce d’ailleurs.

Il a de nombreux amis, mais seulement quelques proches, eux aussi en mode « éternels adolescents sur la route enfumée de la raillerie et de la comédie » ont accès à son univers. Univers dans lequel il n’a d’autres choix que d’y entraîner des aventureux ou des nostalgiques, puisqu’il se refuse lui-même le passage à deux pieds posés en territoire moderne mixé effréné qu’est celui de notre génération.

À travers la scène, parfois maladroitement, mais d’un talent incontestable de maître-conteur anti-sécheuse, il nous entraîne dans un monde de poésie voire même de Polymnie. Il nous offre un laissez-passer limité valable pour un échantillon de sa créativité, servi en nouvelles choisies (souvent à base de rimes déglinguées, de personnages naïfs et de boîte à souvenirs). Un petit morceau de son habitat protégé et fixé. Un transformer. Un G.I. Joe ou une lutteuse. Un bâtonnet en plastique pour faire des pop sicles maison. Jamais bons. Mais, OH combien bourrés de fierté de l’avoir fait nous même. Une vieille lettre d’amour à choix multiples : oui, non, peut-être. Du temps où MSN et les e-mails n’existaient pas et où les jeunes s’écrivaient encore des papiers en classe; avant, bien avant l’arrivée des texto. Une petite heure de temps en temps, où le temps n’existe plus. Interdit d’actualité et de quotidien. L’imaginaire prend les commandes, et on peut rire sans se sentir visé, sans partager un lien à base de routine quotidienne avec personne, où la référence n’est pas un préalable pour se fendre la poire. Loin de nous les clichés moulés adroitement avec la pensée générale…

Suite à quoi le temps reprend son cours. Pour nous. De retour dans la réalité du bar, se noyant dans les familiarités des collègues et connaissances. Le D.J. nous ramène à la mode de 2009. L’artiste, désincarné, n’entend rien. Il regarde tous les gens de loin, il ne veut pas quitter son 1984 en espérant qu’on l’y rejoigne bientôt. Sa bière est posée sur la vieille table de bois, dans un coin sombre. « Est-ce qu’ils se sont amusé? Ont-ils égaré une heure et quart de leur vie quelque part en 1984? » Se demande-t-il, anxieux. La boîte à idées est vide. Ce soir, c’est le néant. Un état de vol stationnaire, comme dans les souffleries simulant soi-disant l’apesanteur grâce à un costume chauve-souris étrange et coloré, comme Pierre et Marie-Loup dans lance et compte saison un. Demain ce sera la remise à zéro. Le remontage du temps pour recommencer encore exactement la même soirée dans un mois, mais en changeant le thème et un ou deux invités. Tout cela dans le but de ne pas perturber le monde précis et rigide des lunatiques occasionnels. Un éternel jour de la marmotte. Version méga plus long et tout à fait contrôlé.

Dans ce petit monde semi-visité et perdu dans une mer de gens urbains et stressés, l’équilibre vital du collectionneur de figurines de schtroumpfs est sans cesse menacé. Il fait attention de ne pas outre passer les frontières de ses principes et vice-versa, de ne pas laisser s’incruster le « maintenant » de façon quotidienne ou régulière dans sa vie. Chaque situation de sociabilité comptabilisée au volet «extérieur d’un lieu public et sans tendances professionnelles» est strictement scrutée et jugée. La normalité, le raisonnable et la lucidité sont proscrits. Ceux qui ont des araignées au plafond, des squelettes dans le placard et des traits de personnalité extrêmes, à la limite de la salubrité sociale (limite pondérée de surcroit) sont les premiers sauvés et candidats à l’étape suivante. Un certain taux de folie et de flou artistique est requis. Une propension au n’importe quoi et l’amour de la musique des vilains pingouins est un atout majeur. Si la vue de pac-man version Atari ou d’un Marioooooo Bross « game over » au dernier château vous rend fébrile et nostalgique, vous approchez de la sélection finale et pouvez aspirer au stage en milieu d’essais. C’est-à-dire plusieurs pièges et curiosités diverses. Si au final vous êtes un serial-lover aux anecdotes intarissables et quasi inénarrables, un étrange certifié à la parole démente et à la plume originale et pailletée, vous aurez la certitude de devenir une accointance régulière du rêveur des temps-perdus. Dans un cercle où le véritable n’est pas vérifiable. Au fond d’une ère lointaine où les enfants de 12 ans étaient encore des enfants. Juste avant que les mystères ne cessent d’être mystérieux. Quand dessiner ses rêves était chose commune. Des banalités farfelues qui semblent si loin de notre imaginaire collectif.

Alors, aux soirs de solitude, quand le cafard lui vole les couleurs de son cube-rubik, le spécimen encapsulé dans son pendule doré ouvre les portes de son abri anti-temps modernes. Ses amis, tous plus siphonnés les uns que les autres, se réunissent chez lui, comme des mutants, coupés du reste du monde. Répétition générale du freak-show de ce soir! Les phénomènes de foire sont costumés et ont laissé volontairement le filtre « Freudien » à côté du porte-parapluie. Les genres et les vécus des personnages sont opposés, pourtant ils s’accordent et s’emboitent comme des lego. Une cacophonie de chansons avec une voix qui ne se peut pas, de danses burlesques, de BBQ banlieusards et de commandites de la nature s’ensuit. Un seul dénominateur commun, un coin sombre du cerveau, où le courant passe difficilement, voire même pas du tout; révélant un endroit inatteignable de toute population susceptible de ne pas capter les non-sens. Protection ultime contre l’ennui.

Des éternels perdus, des égarés de la norme et des rejetés du moment présent, il y en a toujours eu. Et il y en aura toujours. De toutes les sortes et pour chaque époque. Certains auraient voulu naître chevaliers et se retranchent en forêt pour d’épiques combats contre des dragons et autres créatures fantastiques imaginaires. De toutes les sortes! Voyez, quand vous vous promenez dans les parcs du centre-ville de la métropole, particulièrement l’été, les attroupements de gens joyeux sous un nuage de fumée au soleil du midi, chantants des airs patriotiques au son des guitares et des tamtams… C’est une bulle intemporelle. Ils ne vous voient même pas. Vous n’êtes probablement même pas encore né dans leur vie à eux. Dans un de leurs gros walkmans jaune, Beau Dommage vient de lancer sa première chanson sur les ondes FM, en primeur.

Continuez votre chemin. Regardez-les bien, ces petits groupes d’originaux. À chacun son temps. Peut-être le vôtre est-il sagement en train de vous attendre au milieu d’un groupe de jeunes sur le gazon, pour réinventer le monde et y changer toutes les couleurs. Une fusion des folies. Impossible que nous soyons tous captifs de 1984. On assume tout et on respire. Toutefois, il n’est pas donné à tout le monde d’être aussi décalé. Et heureusement! Le mince équilibre qui subsiste laborieusement dans notre société hétérogène serait alors sauvagement menacé. Ah mais il y a des niveaux. Des symptômes légers comme une fixation sur la musique des années 60 par exemple. Dans la catégorie nébuleuse, des entités humaines vont même jusqu’à squatter le futur. Mais très certainement avec des références de vieux films qui ont déjà été en vente version bêta. En revenons-nous au même? Oui, avec quelques critères personnalisés, mais grosso-modo le moule est le même. On reste collé dans un instant de grâce, où chaque détail de l’ambiance d’origine a été enregistré et possède des propriétés possibles à reconstituer. Et quand l’idée et l’opportunité se percutent dans l’imaginaire d’un hurluberlu confiant et brave, ou tout simplement fou, un nouveau monde naît. Un monde irréel où rien n’est habitude et où il faut se méfier si on trouve quelque chose de normal. On se réfugie dans le cocon, pour vivre la musique pleinement, débattre politique, réfléchir. Certains, dont les limites sont un peu floues, pensent que la folie pure et simple, ça se danse, dans un monde spontané et merveilleux d’humour et de retour dans le temps. De coupes de champagne grosses comme la ville et d’amphithéâtres plus hauts que le Mont-Royal. Une tranche de vie au hasard, comme un doublage de deux inconnus qui discutent. La réception par colis recommandé d’un ami aussi délirant que nous même. Sur mesure. Dans un but ultime : réunir tous les lego. Remplir la même boîte en plastique rouge de nos trésors enfantins. Repousser les barrières là où il n’y en a pas.

Le petit univers figé en 1984 évoluant actuellement vers 2009 attire quelques adeptes. Le créateur entretient la zone et de plus en plus de visites ont lieu. La plupart du temps par contre, ce sont des amateurs dans le genre pas assez prêts pour un tel niveau de givre au chapitre intellect. Il doit bien y avoir quelques irréductibles rêveurs qui pensent au coup d’éclat. Une main sur le poignet, les doigts commencent la remontée du temps. On voit défiler nos souvenirs jusqu’à celui auquel on veut rester attaché parallèlement avec notre «maintenant» d’aujourd’hui et l’annexer à ceux des autres dans une cohabitation extra temporelle. Là où quelqu’un d’autre se l’appropriera comme tout un chacun dans la boîte à surprises. Tout-à-coup, on se retrouve juste là, dans notre cauchemar d’enfant de 6 ans, qui a ressurgit depuis quelques mois. Version revue et améliorée aux goûts de nos peurs et de nos craintes d’adultes. Quand le bout arrive enfin, souvent après des semaines de tentatives, la conscience laisse tomber les ornières et on retrouve enfin LE moment. En intégralité. Un «arrête ton cinéma» en règles, à la mode de notre enfance. Une chanson oubliée. Des bonbons à un sou. Un skate-board géant à sens unique. Une odeur de sable mouillé.

Pour les gens qui vivent en parallèle sur deux époques en folie commune, les temps sont durs. On se laisse intriguer par ces dingos. On franchit des étapes sans vraiment le savoir. On devient ami avec plus dérangé que soit et instinctivement, on nivelle. Alors le temps est compté. Bientôt c’est la fin tragique du songe. On reste jusqu’au générique et on se retrouve devant notre moment et on hésite. « Casse ta montre!! » dit la voix du baladin absurde écrasé et tartiné par un camion 18 roues dans mon mauvais rêve. Je regarde ma montre. Depuis quand ai-je une montre? Qui plus est jaune fluo avec motifs géométriques!? C’est vrai. Nous sommes en 1984. « Dooooonc? » dit-il curieusement dans un éternel recommencement du 3e mercredi du mois. À perpétuité. En 1984. Mes parents ne se connaissaient pas encore. J’aurai donc la paix.

Je jette la carcasse de la montre et retrouve mes habitués. Mes chers gravement atteints. Poètes du passé recyclés en comiques de demain. J’ai ma résidence permanente en 1984. Là où j’ai -2 ans. Parce que dans ma tête, 1984 est un lieu. Une séquence précise dans un espace limité. J’irais même jusqu’à dire que c’est devenu une impression. Presque un sentiment. Le génie impétueux d’un remonteur de temps m’a propulsé directement ici. Sans but ni histoire. Dans un endroit sélect de tordus assermentés. À moi maintenant d’aller souffler de la poussière de magie naïve assaisonnée aux rêves et aux souvenirs perdus. Aller encrer des déjà-vus jamais vus à mes buveurs d’étoiles à moi. Puis un jour, dans l’avenir du passé, nous nous retrouverons tous autour d’un jeu de Destin dans une scène poussiéreuse tournée avant même notre naissance. Le blues du business man en trame sonore. Et alors, nous serons tous fous! Le poète rassembleur, le serial-lover et collègues certifiés déments, moi et les autres. Nous serons tous fous. Quelque part en 1984. Si on ne fait pas attention au temps, on s’y perd…

Le chat blanc

Le chat blanc ronronne sec et me regarde
Il semble douter, comme une copie de mon âme.

Je lui tire un peu l'oreille et il ferme les yeux
Un réflexe félin charmant qui me fait sourire
Je pose ma main sur son dos et il sommeille, silencieux.
Un truc inavouable, caché dans ma boîte à souvenirs...

Le matou craintif ne dort qu'à demi, il m'attend je crois
Il s'étire, je m'allonge, il vient de blottir contre moi
Indifférent que je songe à un tout autre animal, un drôle de chat
Dans mes rêves, c'est celui-là qui vient ronronner dans mes bras

Au matin je m'éveille, un chat blanc me regarde
Pendant la nuit il a chassé les souris de mon âme...